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Mohamed Issiakhem
L’art extirpé du mal
7 Juillet 2010

Mohamed Issiakhem dit aussi M’hamed, demeure ce géant de la peinture contemporaine, ou «l’œil de lynx» comme aimait à le surnommer son ami de fortune et d’infortune Kateb Yacine.
Ce peintre qui a perdu un bras en manipulant une grenade, canalisa sa force, sa colère, vers une production luxuriante et rebelle. On dirait que tout son mal s’est incarné dans un pinceau qui absorba toute sa douleur, pour qu’enfin cette dernière se traduise en des œuvres suggestives, expressives, en filigrane comme pour faire ressortir toute cette douleur, ce mal contenus, par ses coups de maitres lézardant ses œuvres.
Né en 1928 à Taboudoucht, un village des Aït Djennad, un décor naturel doté d’un charme intact, un paysage à l’état pur où il serait presque impossible de ne pas naître artiste. Il passa son enfance pratiquement dans l’ouest du pays plus précisément dans la ville de Relizane.
En 1941 déjà, ne dépassant pas les treize ans, il obtint son premier prix en exécutant le portrait du Maréchal Pétain et la même année aussi il réalisa le portrait de Jeanne d’Arc. En cette période, il avait encore ses deux bras. En 1943, année de l’accident, en ramassant une grenade dans un camp militaire américain qu’il manipula, Issiakhem, alors âgé de quinze ans, causa par l’explosion de cette grenade, la mort de deux de ses sœurs et d’un neveu. Un drame que sa mère ne lui pardonnera jamais. Après deux ans d’hospitalisation et plusieurs opérations chirurgicales, il sortira de cet accident amputé de l’avant bras gauche.
Il rejoint l’Ecole Nationale des Beaux Arts (ENBA), appelé à l’époque Société de Beaux Arts, de 1947 jusqu’en 1951 et fut élève du célèbre miniaturiste Omar Racim. Et c’est en 1951 aussi qu’il rencontra le célèbre romancier Kateb Yacine lors de l’exposition de ses toiles à Paris à la galerie André Maurice.
De 1953 à 1958 il s’inscrivit à l’Ecole des Beaux Arts de Paris et y occupa le poste de Conservateur des Monuments de 1961 à 1962 et c’est en cette année là qu’il obtiendra une bourse à Madrid à la Casa Velasquez. Mais dès la proclamation de l’indépendance de son pays, il rejoignit sa terre natale où il fut d’abord enseignant à l’ENBA d’Alger et membre fondateur de l’Union Nationale des Arts Plastiques, puis en 1963 il fut nommé chef d’atelier de peinture à l’ENBA et en 1964 il fut directeur pédagogique de l’ENBA d’Oran jusqu’en 1966, et enfin de 1968 à 1971, enseignant d’art graphique à l’école polytechnique (EPAU) d’Alger. En compagnie de son ami de toujours, Kateb Yacine, il rejoignit le quotidien Alger Républicain au tant que dessinateur pendant deux ans.
Il exposa à travers le territoire national comme à l’étranger, de 1949 à la galerie Carrot jusqu’en 1984 date de sa dernière exposition intitulée « Art moderne » organisée par le CCWA (Conseil Culturel de la Wilaya d’Alger). Il obtint le prix « Marechal Pétain » en 1941, le prix de la casa Velasquez, le premier Simba d’or de L’UNESCO, la médaille « Gueorgui Dimitrov », en 83, et enfin, une citation à l’ordre de la Nation, distinction qu’il obtint à titre posthume, en 1987.
Parmi ses grandes œuvres on trouve : « La clé du bonheur », « Casbah », « Gloire à nos héros », « L’ombre d’une révolution », ces deux dernières, toiles consacrées à la lutte de Libération nationale, «la clé du bonheur », « Sûr ma souffrance passe à d’autres », « Testament », « maternité », celles-ci et tant d’autres, œuvres de ce peintre hors normes, toutes témoins éternelles du génie hors du commun que fut M’hamed Issiakhem qui vécu fidèle à son art en s’élevant au dessus de tout matérialisme et refusant toute tentation. Le légendaire M’hamed Issiakhem, l’homme à la palette transparente s’éteindra un premier décembre de l’année 1985 à Alger des suites d’une longue maladie à l’âge précoce de 57 ans.

Par : Nawel Ben

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