Derrière le profil d’un peintre peut se cacher l’âme d’un collectionneur, cette découverte nous l’avons faite en allant visiter l’exposition collective d’arts plastiques qui se tient depuis le 26 juin à la galerie de la librairie Media-Book située à la rue Zabana (ex- Hoche) à Alger.
Cette exposition, réunissant les œuvres de trente artistes racés se poursuit jusqu’au 3 du mois en cours. Né à Alger de parents originaires de Tizi-Hibel, Madjid Guemroud, artiste plasticien, 50 ans, s’est forgé un art pictural fondé sur le symbolisme prônant le retour aux sources. Après deux années de formation en métier d’arts et de miniature, il a rejoint l’École supérieure des beaux-arts d’Alger. Sa peinture est très influencée par Denis Martinez dont il a fréquenté de manière assidue l’atelier. «Je n’appartiens pas à l’école Aouchem bien que je m’en rapproche» précise-t-il. Ce peintre, dont les toiles colorées, pleines de motifs berbères, excelle aussi dans les techniques mixtes. Il est bien évidemment notre collectionneur qui révèle cette autre facette de la passion humaine, plus discrète et moins exposée aux regards. Il a commencé par collectionner des timbres, des cartes postales, des billets de banque et des pièces de monnaie avant d’élargir aux boutons, p’ins, médaillons, médailles, livres aux tirages limités, petits objets en résine représentant de petits personnages, cuillères d’argent, et «depuis quelques temps» les moulins à café. «Quand je me suis aperçu que beaucoup collectionnent des objets en vue de gagner de l’argent j’ai recentré ma collection sur les pièces n’ayant aucun rapport avec ça». «J’ai décidé, poursuit-il, de redevenir collectionneur amateur, vous savez il y a beaucoup d’objets qui risquent de disparaître dans la nature, le collectionneur est l’inventeur d’un petit musée à l’échelle individuelle, ce qu’il fait exige pourtant beaucoup de temps et d’énergie», et d’ajouter «plus tard il peut laisser son trésor à ses descendants ou les offrir à une institution, l’essentiel est d’arriver à préserver une mémoire ou une histoire». Guemroud retravaille et restaure tous les objets qu’il collectionne en usant de la technique de la pyrogravure (graver au moyen du feu). «Faire des collections, dit-il, c’est s’offrir un voyage à travers le temps, une collection de toiles vous incite à vous interroger sur les auteurs des thèmes qui y sont traités, vous allez donc restituer une galerie d’auteurs, vous allez découvrir Kerbouche, Racim, etc». Idem pour les p’ins. Selon lui «les p’ins sont davantage utilisés en Europe, là-bas un petit commerçant peut faire un p’ins, chaque école a le sien propre, un ferrailleur peut avoir le sien, il y a des milliers de p’ins et le p’ins c’est la couleur, c’est un voyage dans le temps». Et de rappeler «avant on connaissait les médailles et les broches, c’est un truc qui évolue». Madjid Guemroud avoue posséder «quelques pièces de monnaie européennes datant du 17ème siècle et quelques pièces qui sont peut-être romaines ou numides». «J’ai arrêté d’en faire la collection parce que d’une part on n’en trouve plus, cela doit avoir un lien avec la nouvelle réglementation et d’autre part, j’estime que leur place est dans un musée qui offre de meilleures conditions de conservation (température), en tant que patrimoine commun le musée est le mieux indiqué pour permettre au plus grand nombre de les voir». Guemroud a exprimé son admiration pour cet ami de Koléa, collectionneur «qui a réussi dit-il à rassembler quelque 150 moulins à café».