Le 3e Festival culturel international de littérature et du livre de jeunesse va clore aujourd’hui ses portes à l’esplanade Riadh El-Feth à Alger après neuf jours d’exposition très peu fréquentée.
N’était la venue cette année des écoliers, dont la présence a suscité de l’animation, le festival aurait été complètement déserté, du moins c’est ce que nous avons pu constater de visu jusqu’à mercredi. Face à des expositions qui peinaient à drainer les visiteurs, des spectacles théâtraux et des jeux de clown étaient donnés dans des estrades pleines à craquer aux enfants ramenés des écoles des quatre coins du pays. Cette année, et c’est là la nouveauté, le ministère de l’Education nationale s’est impliqué dans la manifestation en fournissant les moyens les plus à même de permettre aux écoliers de venir visiter le festival puisque sa vocation première est de promouvoir la lecture d’ouvrages de jeunesse. «Les élèves ont été choisis en fonction des résultats, nous avons ramené les meilleurs en langues arabe et française» explique cette institutrice d’un établissement de Bordj el-Bahri à l’est d’Alger. Le petit Amine, 9 ans, a acheté un Kitab al-kawakib (livre des astres), mais il a adoré surtout la pièce de théâtre. Ses camarades approuvent. Arrachés brutalement à la grisaille et à la monotonie de la vie scolaire, à l’unanimité, ces bambins apprécient à sa juste valeur le bon temps qu’on leur offre. En tous les cas, très rares sont les enfants dont le papa a consenti de donner des sous pour l’achat de quelque livre ou illustré. «Il est connu que les enfants n’ont pas d’argent» commente Lazhari Labter, directeur des éditions du même nom et des éditions Alpha. «Comme vous le constatez par vous-même, ça chôme, il faut espérer que ça aille mieux dans les jours qui suivent» dit-il. Pour Brahim Tazaghart, directeur des éditions Tira basées à Bejaïa et dédiées au livre amazighe, «on a avancé la date de la tenue du festival pour ne pas la faire coïncider avec la Coupe du monde, période où on avait coutume d’y faire tenir la manifestation». Pour le représentant de Dar Essabil, une édition basée à Alger, le festival «a coïncidé peut-être avec la période des examens et de grosse chaleur». Il lance un «chouiya» qui signifie «comme ci comme ça» qui lui sert d’esquiver la question de savoir si ça marche. Cette maison d’édition spécialisée dans le parascolaire couvrant le cycle du primaire jusqu’à la terminale propose des livres de coloriage et de contes en arabe assortis souvent d’un CD renfermant des dessins animés. Les prix varient entre 100 et 150 DA. Au volet des jeux, Dar Essabil propose un "rubik’s cube» à 150 DA de marque «Toyour» dont elle a l’exclusivité. Encore au stade de balbutiements, le livre pour enfants d’expression amazighe tente de se frayer une place dans le monde de l’édition. «Le festival peut être mis à profit pour donner plus d’importance au livre amazigh destiné aux enfants, idem pour la traduction» pense Brahim Tazaghart. «On a négocié, poursuit notre interlocuteur, avec les maisons d’édition spécialisées dans le livre pour enfants en vue de lancer des projets de coédition de livres amazighs pour les petits, il s’agit pour nous, ajoute-t-il, de bénéficier de leur savoir-faire dans le domaine en contrepartie nous leur ferons bénéficier de notre maîtrise de l’écriture en amazigh. Le festival n’est pas uniquement fait pour les ventes au public mais c’est aussi une opportunité pour nouer des contacts avec les professionnels» soutient-il. Le représentant de l’édition syrienne Dar el-Hafid s’est contenté quant à lui d’évoquer «la bonne organisation» et la bonne «couverture télé de l’événement» tout en faisant part de sa satisfaction de voir la présence des écoliers dans ce festival. Dar el-Hafid propose des livres à contenus éducatif, scientifique et de culture générale. «Je n’ai rien à dire» lâche Abdelhak Bouanane, directeur général d’Omega international spécialisée dans la distribution des dictionnaires Larousse. Alors que l’absence du public est une donnée criante, Togui, bédéiste à «El-Bendir», une nouvelle revue de la BD algérienne, se contente de résumer la situation par un «c’est un peu timide!». Il est l’un des représentants de l’édition Dalimen, spécialisée dans le beau livre. D’après lui, l’ouvrage de Slim fait un ravage ainsi que l’encyclopédie réalisée dans le cadre du festival culturel panafricain d’Alger. «Du point de vue de l’afflux du public, ça reste très très faible» déplore le représentant de la Bibliothèque verte, une entreprise d’édition basée à Alger. Et de déplorer que «les élèves sont préoccupés par les examens du BEM et les élèves du primaire sont encore retenus par les compositions, et on pourra dire la même chose des universitaires qui sont retenus par les examens». La Bibliothèque verte version algérienne ne reprend pas les chefs d’œuvre de la littérature, mais élabore ses propres textes en recourant aux spécialistes, aux traducteurs et aux créateurs. Elle propose des contes en arabe puisés du terroir ou de la culture arabe et islamique. «Les enfants s’intéressent davantage aux CD qu’aux livres du fait qu’ils disposent chez eux d’un micro » regrette-t-on. «Le fait de les avoir ramenés ici est une louable initiative, ça a cassé l’idée selon laquelle on accorde pas du tout d’intérêt pour le livre». C’est là l’une des réflexions positives qu’il nous a été donné de noter en cette journée de farniente !