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Edition du 22 Mai 2010



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«Hors-la-loi» projeté hier à Alger à la salle El Mougar
Bouchareb met à nu les crimes de la France
22 Mai 2010

Le nouveau film de Rachid Bouchareb «Hors-la-loi», en lice au festival de Cannes, a été projeté, hier, à la salle El Mougar, à Alger, devant les journalistes à la même heure où il était projeté à Cannes.

Il faut dire que Rachid Bouchareb a réussi une œuvre dense, complexe et en même temps poignante. Le récit commence en 1925 avec l’expropriation d’une terre agricole située dans la campagne et appartenant à une famille algérienne musulmane comme on disait à l’époque. Quand arrive le caïd, celui-ci lit illico presto une ordonnance du tribunal qui ordonne l’expulsion de la famille Souni. Le père (interprété par Ahmed Benaïssa) et la mère (par Chafia Boudraa dite Aïni) ainsi que leurs trois fils : Messaoud, Abdelkader et Saïd gagnent la banlieue de Sétif où ils élisent domicile. On voit la capitale des Hauts-Plateaux parée aux couleurs des années 40. Les voitures d’époque, les costumes européens et musulmans recréent l’atmosphère pied-noir de du temps colonial. Les costumes cravates se pressent aux cotés des kachabias et les tarbouches de Fès. On est à la veille des massacres de Sétif du 8 mai 1945. Paris jubile suite à la défaite du nazisme. Les Algériens commencent à espérer. Ils sortent en masse pour réclamer l’indépendance. La caméra s’attarde sur les exécutions collectives des populations civiles aux mains nues. Les manifestants sont sauvagement tués à bout portant à partir même des balcons. Les policiers en civil et les militaires brandissent leurs armes et tirent sur la foule qui fuit dans tous les sens. Les forces de répression procèdent aux arrestations, les hommes sont poussés devant un mur avant d’être liquidés. Les scènes sont insoutenables. Les trois frères Souni grandissent. Rochdy Zem campe le rôle de Abdelkader, Sami Bouadjila celui de Messaoud et Djamel Debbouze le rôle de Saïd. Le père meurt pendant les massacres. Mais Saïd retrouve le caïd qui leur avait enjoint quelques années plus tôt de quitter leur terre. Il le tue à coup de couteau et la famille émigre en France sous l’impulsion de Saïd. Elle s’établit dans un bidonville de Nanterre et bientôt elle bénéficie du renfort des 2 autres frères jusqu’ici absents. Abdelkader, interné à la prison de la Santé en France est libéré au bout de quelques mois, tandis que Messaoud engagé dans la guerre du Vietnam, s’en tire avec une blessure au niveau de l’œil. Abdelkader qui a reçu sa formation politique en prison est chargé de collecter les fonds au profit du FLN dont il devient le chef de zone à Paris. Saïd se mêle quant à lui au proxénétisme et à la prostitution à Pigalle, il a du mal à convaincre ses frères à verser dans les affaires. C’est plutôt eux qui arriveront à l’entraîner dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. En outre, le film épouse les ramifications internationales que crée un peuple en lutte pour sa libération. Les capitales défilent sur l’écran. On voit Frankfurt où le FLN vient s’approvisionner en armes, Genève, là où la direction politique donne ses ordres. La tête pensante du noyau FLN à Paris Abdelkader manigance et cherche à provoquer les représailles des autorités françaises qui à ses yeux peuvent l’aider à faire basculer la population algérienne du côté de la révolution. Le film se paye même le luxe de narrer un bout de l’histoire relative à la guerre civile ayant opposé le FLN aux messalistes du MNA. Les images sont dures. Un messaliste est étranglé par Abdelkader qui fait coïncider son forfait avec le mariage de son frère Messaoud dans le sordide bidonville de Nanterre. La cérémonie est bien sûr perturbée par la police qui y fait une descente après avoir découvert le corps gisant dans une mare de sang du militant du MNA, tenancier d’un bar de son état. On est déjà tout proche des événements du 17 octobre 1961. Abdelkader et Messaoud arrivent à sensibiliser les ouvriers algériens de Renault. Nombre parmi eux sont enrôlés dans l’organisation clandestine. Mais le clou du film reste ces scènes qui montrent l’attaque perpétrée par un commando algérien contre un commissariat parisien en vue d’éliminer l’un des responsables les plus sanguinaires de la police française. La convocation qui va servir à Abdelkader pour pénétrer dans le commissariat lui est fournie par un fonctionnaire algérien employé au niveau de la police et ayant connu son frère Messaoud à la guerre du Vietnam. C’est grâce à ce dernier qu’il a eu la vie sauve. Le meurtre est commis en plein centre du système sécuritaire français. Abdelkader va jusqu’à enlever le chef de la police qu’il essaie de concraincre à renoncer à sa mission et de collaborer avec les militants algériens. La riposte ne tarde pas à venir. La police crée une organisation secrète du nom de « La Main rouge » qui va se manifester sous le label d’une organisation criminelle. Le film enchaîne en fait la logique de l’escalade qui découle du processus de la vengeance. Une petite histoire d’amour vient se greffer sur ce décor lugubre. La belle française qui aide le FLN s’éprend de Abdelkader. Il fallait voir comment malgré sa rigidité et sa rigueur morale, celui-ci finira par montrer ses faiblesses. C’est l’une des mérites de ce film que d’avoir évité de tomber dans le manichéisme. « Hors-la-loi » finalement conte l’histoire des Algériens qui ont décidé de prendre leur destin en main. Il leur redonne l’initiative historique en les faisant apparaître comme des acteurs politiques, non pas seulement en Algérie mais au sein même de la France.

Par : Larbi Graïne

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