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Edition du 17 Mai 2010



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Fatiha Chentir, anthropologue
«Le châabi atteste que nous avons perdu beaucoup de mots»
17 Mai 2010

La musique n’est pas universelle, les goûts et les couleurs se discutent, a soutenu hier à Alger Fatiha Kara Chentir, chercheuse au Centre national de recherches préhistoriques anthropologiques et historiques (CNRPAH) qui animait une conférence de presse sur la musique châabie sous l’angle de ses rapports avec l’identité algérienne.

Intitulée «Identité et musique, le Chaâbi à Alger comme exemple», la communication de Fatiha Chentir, qui se veut une contribution pour célébrer le Mois du patrimoine 2010, s’est attelée à démontrer la puissance évocatrice et symbolique de la musique châabie et la charge identitaire dont elle est porteuse. Retraçant la genèse de cette musique, l’oratrice a attribué sa naissance à un «métissage culturel ayant résulté du croisement de la musique andalouse et de la musique kabyle». Apparue au début des années 30 à La Casbah d’Alger suite à une forte émigration de gens de Kabylie vers Alger au lendemain du départ des Ottomans, la musique châabie va très vite s’imposer comme une musique exprimant l’authenticité algérienne. «Il n’y a pas de représentation sans une mise en relation» a expliqué Fatiha Chentir. Et d’expliquer «la musique châabie a servi d’un emblème, de porte-drapeau au moyen duquel on cherche à être représenté».
Le châabi, a-t-elle poursuivi, est le territoire de l’intime, un espace évocateur du pays, de la ville, voire du quartier, vouloir a-t-elle encore dit s’approprier cette musique signifie pour celui qui s’en revendique qu’il «existe avec». Si les goûts et les couleurs se discutent contrairement à ce que dit l’adage, c’est que revendiquer une musique donnée, revient à s’opposer à d’autres qui ont aussi leur emblème musical. Mais cette opposition indique Fariha Chentir «n’a rien d’agressif ou de conflictuel, c’est grâce à elle que les identités plurielles se construisent». Chacun, indique-t-elle, veut s’affirmer dans sa singularité d’où les réalisations régionales constatés au niveau de cette musique. Al Anka, le fondateur du genre, Kabyle d’Azeffoun est un «anthropologue sans jamais avoir mis les pieds à l’université» soutient l’oratrice.
Il a innové tout en préservant la mémoire c’est cela le génie de cet artiste. Aujourd’hui, a-t-elle déploré, on innove, mais on oublie tout ce qu’on a fait. Al Anka selon l’oratrice a fait les quatre coins de l’Algérie allant puiser dans les "qsaïd" (textes poétiques) du 14ème siècle voire des siècles antérieurs.
Il a utilisé, a-t-elle expliqué, les poèmes de Sidi Lakhdar Benkhlouf de Mostaganem et de Benmsaïb entre autres. Pour percer le secret de la langue utilisée par le chaâbi la conférencière a conseillé d’étudier la langue algérienne dialectale car, a-t-elle dit, le stock linguistique dans lequel puisent les générations actuelles d’Algériens a perdu beaucoup de mots. Notons que Fatiha Kara Chentir a publié en 2007 chez Apic une étude en arabe sur le châabi sous le titre Chaâbi, Khitab, Taqous wa moumarassat (Le châabi, discours, us et pratiques).

Par : Larbi Graïne

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