Le Midi Libre - Culture - Alger au temps d’Eros
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Edition du 11 Mai 2010



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Les Deys et les histoires de femmes
Alger au temps d’Eros
11 Mai 2010

Du côté de L’île Lettrée, café littéraire de la rue Zabana à Alger, on a fouiné, cette semaine, dans les secrets d’alcôve des anciens princes d’Alger. On a sorti les redoutables corsaires de leur navire pour les apprêter au rôle de Casanova d’un nouveau genre.

Dès le moment où on les associa avec les très jolis poèmes déclamés à l’endroit de leur bien-aimée respective, les traits des visages guerriers se sont alors adoucis. Les Âaroudj et les Raïs Hamidou se répandent alors en coquetterie mi-chevaleresque mi-ghazal. On assiste à une sorte de flambée d’amour, un à emportement passionnel qui souvent se résorbe non pas par l’assouvissement du désir mais par une tragique élimination de l’aimée. Le couple est loin de ressembler à Tristan et Iseut, encore moins à Roméo et Juliette ou Qays oua Layla. Il fallait un bon conteur pour raconter ces histoires-là, et il faut dire que Belkacem Babaci s’y est prêté avec charme. Cet écrivain, historien par curiosité, et chroniqueur radio et TV par vocation, a creusé pendant des années dans le passé de la Régence d’Alger. Il y a déterré des amours, — une acception cependant, ô combien réfutée par une partie de l’assistance qui préfère «histoires de femmes». L’éros et le thanatos marchant au coude à coude, c’est Zaphira et Âaroudj qui inaugurent la liste de ces couples tragiques que guette la mort. L’unique bras de Âaroudj est tenu pour pièce à conviction de l’impossibilité qu’il soit le tueur de son hôte Salim Toumi, l’édile algérois qui l’appela à la rescousse pour bouter hors du Penon les soldats de la Couronne d’Espagne. Comment aurait-il pu l’étrangler avec un seul bras ? Belkacem Babaci qui avoue avoir consulté sur cette question des historiens de renom, à l’instar de Moulay Belhamissi, Mahfoud Kaddache et Mostefa Lacheraf, admet que personne n’a pu attester cette histoire ayant mis aux prises Zaphira, l’épouse de Toumi, et le fondateur de la Régence d’Alger. Toujours est-il que Zaphira n’a jamais cédé, préférant se donner la mort en ingurgitant un poison. Quant à Ali Khodja, homme rusé et intelligent qui accéda au trône en 1817, il s’éprend de Nora, épouse d’Ahmed Raïs, qu’il avait aperçue au hasard d’une promenade à cheval aux alentours de Bologhine. Il vit une jolie femme avec de longues tresses avant de s’enquérir sur son identité et d’ordonner à ses chaouchs de la lui ramener chez lui une fois ses bagages préparés. La pauvre femme, sachant qu’elle ne pouvait se soustraire à l’autorité du Dey, s’ouvrit à son mari. Ce dernier essaye de l’en dissuader, il y parvient en quelque sorte puisque elle finira par se suicider, répétant ainsi à des années d’intervalle le geste de Zaphira. Peut-être que résumer ces histoires revenait à les édulcorer. En tous les cas, elles paraissent plus dignes de figurer dans les livres d’Agatha Christie que dans ceux à l’eau de rose genre Harlequin.

Par : Larbi Graïne

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