« Nous sommes au printemps. En ce moment, dans la nature, beaucoup de plantes se réveillent et c’est également cette époque qu’elles ont choisie pour assurer leur descendance.
Pour y parvenir, leurs fleurs mâles dégagent leurs éléments fécondants sous une forme de fine poussière ; cette dernière est formée de minuscules grains que l’on nomme pollen.
Suivant les espèces de plantes, ces micro-poussières sont très allergisantes. Transportées par les vents ou les courants d’air, ce sont elles qui provoquent la rhinite allergique saisonnière, car elle apparaît périodiquement avec la floraison de la plante allergène, le plus souvent au printemps et en l’été, appelée aussi familièrement le « rhume des foins ». Cette floraison se passe à des périodes différentes de l’année, selon la plante bien sûr mais aussi selon la situation géographique. Les symptômes de rhinite saisonnière tendent à être plus prononcés et plus étalés dans le temps qu’auparavant ; en moyenne, la saison pollinique a augmenté de 10–11 jours au cours des 30 dernières années. Ce phénomène pourrait s’expliquer entre autres par la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Ceux-ci auraient notamment pour effet d’augmenter la production de pollen des plantes et des arbres. Selon certaines estimations, de 10 % à 40 % de la population mondiale souffrirait d’une allergie au pollen.
Le rhume des foins est, comme l’explique le docteur Benhalla, spécialiste en allergologie et chef de service en pédiatrie, est une inflammation des muqueuses nasales provoquée par des allergènes, comme les pollens ; les médecins utilisent le terme de rhinite allergique. Elle est très fréquente et la tendance est à l’augmentation. Les allergies respiratoires, rhinite et asthme, sont particulièrement handicapantes au quotidien. Lorsqu’un pneumallergène est inhalé par une personne déjà sensibilisée, il entraîne d’abord des troubles au niveau du nez ou un asthme.
Midi Libre : Pouvez-vous, docteur, nous expliquer ce qu’est une allergie ?
Le Dr Benhalla : Une allergie est une réaction exagérée à une substance étrangère (ou allergène). En effet, pour se protéger des agressions, le système immunitaire, après un premier contact avec des « visiteurs » dangereux (virus, bactérie, parasite), les garde en mémoire et fabrique contre eux des armes à utiliser lors d’une nouvelle rencontre. Cette réaction de défense est donc, a priori, bénéfique. Lors de cette phase, l’organisme s’est ainsi sensibilisé. En cas d’allergie, le système immunitaire réagit de manière excessive en produisant de façon anormale des anticorps. Lors d’une nouvelle rencontre avec l’allergène, des réactions vont alors se déclencher : de l’histamine et d’autres substances inflammatoires sont produites. Cette réaction entraîne la dilatation des vaisseaux sanguins et l’augmentation des sécrétions ce qui provoque l’apparition des symptômes de rhinite allergique.
Quels sont les symptômes de la rhinite allergique ?
La rhinite allergique se caractérise par des éternuements à répétition, le « nez qui coule », des chatouillements dans le nez, des larmoiements et une irritation des yeux. Lorsqu’elle est causée par le pollen, on l’appelle rhinite saisonnière ou, plus communément, rhume des foins. Les signes habituels qui doivent faire penser à une rhinite allergique sont regroupés sous le sigle PAREO :
P comme Prurit, qui signifie que le nez démange,
A comme Anosmie, qui signifie que l’on perd l’odorat (plus rarement),
R comme Rhinorrhée, qui signifie que l’on a le nez qui coule,
E comme Eternuements,
O comme Obstruction, qui signifie que l’on a le nez bouché.
Chez l’enfant, la rhinite peut être associée à une otite séreuse à cause de l’œdème et de l’inflammation qui ferme la trompe d’Eustache, canal reliant l’oreille interne aux fosses nasales.
La rhinite allergique entraîne un handicap chez 9 patients sur 10 et 8 sur 10 sont gênés durant leur travail mais aussi durant le sommeil et les activités physiques.
Y a-t-il différents rhumes des foins ?
On peut avoir une allergie à un type de pollen, ce qui est le cas le plus fréquent, en particulier chez l’enfant, parfois à plusieurs. Ces pollens peuvent provenir d’arbres, de graminées ou d’herbes. La période de floraison est différente selon les régions géographiques.
Dans les pays méditerranéens, à partir du mois de janvier, le pollen des arbres cyprès, olivier, mimosa... est fréquemment en cause ; la pollinisation du cyprès démarre parfois en décembre. D’avril à juillet, les pollens de graminées (les herbes des prairies, le foin et le gazon) vont être responsables de la "grande saison pollinique". Vers juillet - août apparaissent les pollens d’herbacées : ortie, pariétaire, armoise, plantain … qui persistent parfois jusqu’en octobre. Enfin, les spores des moisissures, intérieures et extérieures, sont aussi des allergènes inhalés : par exemple, le plus redoutable, l’alternaria, est présent dans l’atmosphère de juin à septembre-octobre. Le pollen des fleurs ne cause habituellement pas de problème à ceux qui souffrent d’allergie parce qu’il est trop lourd pour flotter dans l’air. Ces plantes comptent sur les insectes pour transporter leur pollen.
Le rhume des foins peut-il provoquer des crises d’asthme ?
L’allergie au pollen peut provoquer des crises d’asthme mais la rhinite allergique et l’asthme sont deux maladies différentes même si elles sont étroitement liées. En effet, les parois du nez et des bronches sont tapissées du même type de cellules et réagissent de la même manière aux agressions des allergènes. D’ailleurs, 40% des personnes atteintes de rhinite allergique présentent un asthme, 80% des asthmatiques présentent une rhinite allergique.
Asthme et rhinite peuvent apparaître en même temps, mais la rhinite apparaît le plus souvent seule plusieurs années avant l’asthme. Il est donc indispensable de rechercher systématiquement la présence d’un asthme chez les personnes présentant une rhinite allergique. En effet, toute rhinite allergique peut évoluer vers un asthme ; celui-ci sera plus sévère si la rhinite allergique n’a pas été correctement prise en charge.
Peut-on devenir allergique à l’âge adulte ?
Toutes les tranches d’âge sont touchées mais la rhinite allergique apparaît souvent entre 5 ans et 20 ans. Les médecins reçoivent désormais en consultation des enfants de 2 ans gênés par les pollens mais aussi des personnes âgées de plus de 75 ans présentant leurs premières allergies aux pollens alors qu’elles n’avaient jamais été allergiques auparavant.
Quelles précautions prendre pour éviter les crises d’allergie ?
Il est difficile d’éviter les pollens à moins de changer de climat lors de la saison pollinique. Néanmoins, quelques conseils de bon sens permettent de réduire les symptômes de la rhinite :
- Prudence les jours chauds et ensoleillés (les pollens sont en suspension dans l’air) et les jours de vent (où ils voyagent sur des kilomètres, de la campagne à la ville).
- Eviter les promenades dans les forêts, prés et champs au printemps ou, au moins, se renseigner sur les conditions météorologiques avant une promenade à la campagne : la quantité de pollens dans l’air augmente les jours de vent et en particulier avant les orages. Au contraire, il faut profiter de se promener juste après la pluie, car la concentration de pollen dans l’air est moins forte à ce moment-là.
- Fermer les fenêtres et entrées d’air lors de déplacements en automobile.
- Rincer les cheveux longs, le soir avant de se coucher, après une promenade.
- Éviter de dormir la fenêtre ouverte si le lit est près de la fenêtre. Aérer la chambre tôt le matin.
- Fermer les fenêtres lorsque l’on désherbe le jardin.
- Éviter de faire sécher draps et vêtements à l’extérieur. Le pollen contenu dans l’air risque, en effet, de se poser sur les tissus et d’entrer, par leur intermédiaire, en contact avec vos voies respiratoires.
Bien entendu, n’oubliez pas le polluant le plus nocif pour le nez : la fumée de tabac.
Portez toujours des lunettes de soleil pendant les périodes de floraisons (cela permet d’éviter des conjonctivites).
Comment traiter la rhinite saisonnière ?
Logiquement et en tout premier lieu, il faut éviter tout contact avec l’allergène responsable. En pratique, ce n’est pas toujours possible. Un traitement médicamenteux est alors nécessaire, local (en spray) ou général (par comprimés).
Les médicaments utilisés pour traiter une rhinite allergique dépendent de la fréquence des symptômes et de leur intensité. Les médicaments les plus utilisés sont les antihistaminiques. Ils agissent rapidement sur l’écoulement nasal et sur les démangeaisons nasales, ainsi que sur les signes associés à la rhinite comme les symptômes oculaires souvent rencontrés dans les allergies aux pollens. Ils sont moins actifs sur l’obstruction nasale. Il y a des antihistaminiques de première génération et des antihistaminiques de deuxième génération ou nouveaux antihistaminiques qui ont moins d’effets sédatifs ; ce sont ces derniers qui sont recommandés. Les corticoïdes locaux ont une action anti-inflammatoire. Sous forme de pulvérisations nasales, ils sont fréquemment prescrits en cas de rhinite allergique. Ils sont actifs sur tous les symptômes de la rhinite allergique et en particulier sur l’obstruction nasale.
Il faut également essayer de remarquer dans quelles conditions se manifestent habituellement les crises d’allergie (lors des journées venteuses, quand votre enfant joue dans un jardin ou quand vous rendez visite à la famille à la campagne, par exemple). Il est ainsi plus facile d’éviter ces crises en prenant un antihistaminique de façon préventive.
Et la désensibilisation ?
C’est un traitement efficace mais long, sur plusieurs années ; elle est conseillée uniquement en cas d’allergie très handicapante et/ou à 2 allergènes maximum. Son principe : apprendre à l’organisme à tolérer un allergène en l’administrant à très petites doses, augmentées progressivement. La désensibilisation est réalisable par injections sous-cutanées, la seule disponible dans notre pays, et qui n’est pas totalement dénuée de danger, mais aussi la voie sublinguale (sous la langue) et, d’une manière encore quasi-expérimentale, sous forme de comprimés.
Dans quel cas faut-il consulter ?
La rhinite allergique semble tellement fréquente et concerner un si grand nombre de personnes qu’elle est souvent banalisée et méprisée. Goutte au nez, éternuements à répétition, qui font sourire ou agacent… tous ces signes doivent nous alerter lorsqu’ils persistent ou se répètent. Or souvent, on n’y prête pas suffisamment attention. Même si cela fait sourire, il faut s’en inquiéter. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à consulter si la rhinite prend une forme trop répétée, trop intense ou trop prolongée et que vos symptômes perturbent vos activités quotidiennes et votre sommeil. Si les symptômes se renouvellent chaque année, comme c’est presque toujours le cas, le médecin pourra aussi prescrire un traitement préventif (antihistaminique par voie orale) dès le début de la période annuelle incriminée.