Le "Petit Paris" n’est plus, les vestiges de ce coquet village colonial, épargnés par les premiers travaux avortés d’une autoroute ont fini par céder sous les assauts des engins des travaux publics pour la réalisation du tramway.

Toute personne ayant connu le village de Bordj el-Kiffan ex-Fort de l’Eau ou le «Petit Paris» comme aimaient à le surnommer avec fierté ses résidants, ne le reconnaîtra certainement pas au vu de sa dégradation. Le boulevard principal a été saccagé pour céder la place à l’un des grands projets initié par la wilaya d’Alger, en l’occurence le tramway. Datant de la période coloniale, cette avenue était pourtant l’un des fleurons de la capitale avant le passage des engins des travaux publics. Bordj El-Kiffan était connu pour ses forts érigés en bord de mer, ses restaurants conviviaux, ses salons de dégustation de glaces et ses innombrables terrasses ombragées par des arbres séculaires. Cette localité a été pendant longtemps la destination privilégiée des familles algéroises. Aujourd’hui il ne persiste pratiquement plus rien de ces années d’or. Les responsables du projet, ayant mis à mal ce village, ignoraient, semble-t-il, le patrimoine historique de Bordj El-Kiffan en acceptant la destruction de tout ce qui faisait son cachet. Ses habitants ont perdu tout espoir de retrouver leur cadre de vir d’antan. Ali, Fadila, Samir, Djamel, Lamine et beaucoup d’autres pleurent leur «Petit Paris» et dénoncent ces massacres dus selon eux à l’«ignorance de l’histoire de leur localité». Une sexagénaire, ancienne résidante des lieux, nous dira avec amertume : «J’ai passé toute mon enfance à Fort de l’Eau ; il y avait des jardins remplis de toutes sortes de fleurs, des artisans, de belle plages…», elle poursuit : «Je n’aurai jamais cru que ce village allait être à ce point défiguré. Tout d’abord, les responsables ont décidé en 1990, de nous faire déménager sans même prendre la peine de nous prévenir. Ils ont démoli nos maisons pour laisser le champ libre à la construction d’une autoroute qui n’a jamais vu le jour, remplacée plus tard par une station de bus. Et aujourd’hui, ils détruisent ce qui reste. C’est vraiment malheureux». Mohamed, qui vit à Fort de l’Eau depuis une quarantaine d’années, ne souhaite plus qu’une seule chose : déménager. Si avant, il ne pouvait se passer de son village natal, aujourd’hui plus rien ne le rattache à ces lieux dénaturés. Lamine, 30 ans, lui aussi n’apprécie plus un quotidien fait de nuisances. «Avant, mes amis venaient à Fort de l’Eau presque chaque soir pour s’y détendre. Mais après le lancement des travaux du tramway ils n’évoquent plus, et moi avec eux, que les souvenirs d’antan. Notre vie a radicalement changé avec ce projet», se plaint-il. Avant de s’interroger : «Pourquoi a-t-on déraciné nos vieux arbres pour replanter à leur place des arbustes ? Notre commune n’avait réellement pas besoin de ce projet. Mais nous sommes bien conscients que les autorités font fi de notre avis et sentiments en tant qu’habitants pourtant pleinement concernés». D’autres voix s’élèvent pour dénoncer le fait que le projet n’est bénéficier d’aucune étude profonde et globale. Si le but à terme, de ce projet, est d’arriver à l’éradication du casse-tête de la circulation routière, de l’avis de tous il n’en demeure pas moins qu’il a porté un sérieux coup à l’«identité architecturale» de leur village. Au final les habitants de Bordj El-Kiffan assistent impuissants à la dégradation en continue de leur cadre de vie, ils se déclarent lassés des nuisances et du stress engendré par une circulation et des encombrements non stop, causés par ces travaux qui n’en finissent pas, cela sans parler du manque à gagner pour les commerçants et les services de la commune, un sujet sur lequel nous reviendront dans nos prochaines éditions