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­­­­­Dr Amel Lahreche, Directrice médicale du laboratoire inalphram, au Midi Libre
Les critères à retenir pour une hygiène intime adéquate
31 Mars 2010

On parle peu de l’hygiène intime qui demeure un sujet quelque peu tabou, et pourtant cette dernière revêt une grande importance, tout comme les autres soins médicaux qui concernent notre intimité. La région ano-génitale a la particularité d’être un lieu de communication entre le monde environnant et les organes internes, à savoir les appareils urinaire, digestif et génital, de par la présence de l’abouchement de ces conduits naturels dans cette région (urètre, anus, vagin), comme l’expliquent les spécialités. Le corps a ses propres moyens de défense naturels, pourvu qu’il ne soit débordé par la création de conditions défavorables, soit par défaut, soit par excès d’hygiène locale. Mais c’est surtout la malpropreté (défaut d’hygiène) de cette partie du corps ou au contraire l’excès qui créent les conditions favorables à l’apparition de certaines infections. Quels sont, donc, les gestes quotidiens adéquats à respecter, les produits à utiliser pour se protéger de certaines pathologies ? Dr Amel Lahrèche nous répond.

Midi Libre : Pouvez-vous nous donner une brève explication de ce qu’est la flore vaginale ?
Dr Amel Lahrèche : Tout d’abord, il faut commencer par dire et surtout comprendre que la meilleure défense de la femme contre les infections reste sa propre flore vaginale ! Mais bien sûr, une flore normale est celle qui est en état d’équilibre. Comme toute cavité ouverte sur le milieu extérieur, le vagin est une cavité septique. La composition microbienne de la flore vaginale normale d’une femme en âge de procréer est faite d’un mélange savant de 8 à 10 germes en équilibre. Le bacille de Döderlein y est dominant… C’est la bactérie amie de la femme et son bouclier protecteur (en dehors des infections sexuellement transmissibles bien sûr). La flore vaginale est fragile et doit être respectée au quotidien. Un excès ou une mauvaise hygiène intime peuvent alors entraîner certaines infections et autre inconfort. Des odeurs, en passant par les sécrétions naturelles, nombre de femmes se disent gênées et n’hésitent pas à user, voire abuser, de toilettes intimes excessives plusieurs fois par jour. D’autres usent et abusent de toilettes vaginales qui s’avèrent parfois dangereuses, notamment lors de la grossesse. De récentes études ont incriminé cette toilette profonde dans certaines prématurités et infections néo-natales.

Quel est donc le but de l’hygiène intime ?
Protéger la sphère (région) génitale basse, à savoir la vulve et le vagin.
Seulement, ce sont deux zones physiologiquement différentes, d’un point de vue histologique et d’un point de vue microbiologique. 
L’écosystème vaginal est homogène et n’a besoin d’aucune intervention humaine. Les lactobacilles jouent leur rôle et assurent une acidité intra-vaginale protectrice grâce à une bonne imprégnation hormonale oestrogénique. 
Il faut insister sur l’autonomie intra-vaginale dans sa protection qui ne dépend que d’un bon nombre de lactobacilles, en bonne santé, et d’une bonne imprégnation oestrogénique. Même si beaucoup de fabricants de produits d’hygiène intime aiment à mettre en avant les nominations, «physiologique» et «contient de l’acide lactique», tout cela n’a rien à voir avec le fonctionnement de la muqueuse vaginale qui par définition est intern et, comme on va le voir plus bas, ne doit jamais être le lieu de toilettes.
L’écosystème de la zone génitale externe est une juxtaposition de plusieurs écosystèmes, voire un arc-en-ciel d’écosystèmes et de pH (variant de 4,8 à 7 au niveau des grandes lèvres, voire plus dans la zone interfessière et péri-anale). C’est cette zone «externe» qui est et doit être lavée. Mais pas lavée n’importe comment et avec n’importe quoi !

De quelle façon doit se dérouler la toilette intime ? 
La toilette intime consiste en un savonnage (avec un produit adéquat) de la zone génitale externe, c’est-à-dire le pubis, la vulve et la zone inter-fessière. En termes plus simples, «ce qui se voit». Ce savonnage doit être, bien sûr, suivi d’un rinçage et d’un séchage. Cette toilette ne doit pas dépasser les deux fois par jour (une le matin et une le soir). Je me répète encore, mais c’est pour la bonne cause, il faut bannir la toilette profonde, intra-vaginale. Bien sûr, il y va de soi qu’entre ces deux toilettes quotidiennes,  la femme peut se «rincer» à l’eau claire extérieurement à chaque passage aux toilettes.  

L’eau peut-elle, à elle seule, suffire à faire sa toilette ?
L’eau seule ne suffit pas. A la surface de la peau et des muqueuses, il y a un film lipidique qui sert à les protéger des agressions. Sur ce film se déposent les débris cellulaires, les poussières, les mauvaises bactéries. Or, comme nous le savons, l’eau ne peut pas interagir avec un corps gras (un exemple schématique : peut-on laver une assiette un peu grasse avec de l’eau seule ?). Donc, se laver avec de l’eau revient à se rincer, mais n’élimine en rien tout ce qui se dépose sur ce film lipidique.
Les produits nettoyants permettent de mieux éliminer les débris cellulaires et microbiens en faisant justement le lien entre ces deux surfaces (eau-corps gras).

Aussi, pourquoi pas un savon «classique» ?
Le savon classique pose le problème de l’hydratation locale qui est fondamentale pour le confort de la femme. Il peut assécher, et qui dit assécher, dit fragiliser et donc exposer aux agressions. 
La zone intime étant particulièrement sensible, des critères devront être retenus pour choisir un produit d’hygiène intime :
- Un soin lavant sans savon (Syndet qui sont des produits vendus en pharmacie), dont les agents surgraissants et hydratants permettent de respecter le film hydrolipidique protecteur et la lubrification naturelle de cette zone.
- L’absence d’antiseptiques au sens chimique du terme qui peuvent détruire les bonnes bactéries protectrices, situées au niveau de l’entrée du vagin et qui sont nécessaires à l’équilibre vaginal.
- Un principe actif aux propriétés adoucissantes et apaisantes qui agit sur les symptômes tels que l’irritation ou les démangeaisons (symptômes qui peuvent exister même en dehors d’infections avérées : règles, port de string, sécheresse, serviettes hygiéniques parfumées, etc.)
- Un pH compris entre 4 et 8 car celui-ci respecte le pH local de la zone génitale externe. Les pH se rapprochant de la neutralité, c’est-à-dire allant de 7 à 8, sont fortement conseillés car ils s’opposent au développement des mycoses (champignons), pathologie la plus courante chez la femme. (Il faut faire attention, en terme de produits d’hygiène intime, les pH dits «physiologiques» sont acides en réalité et par cette nomination font référence au pH «intra-vaginal», alors que comme on l’a vu, cette zone ne doit jamais être lavée… Il n’y a pas de pH physiologique idéal dans la zone génitale externe.)
- La possibilité d’utilisation au quotidien, sans intolérance (pas de conservateurs, ni colorants et une formulation très bien tolérée)
- La sensation de bien-être bien sûr qu’apporte le produit.

Quels conseils préconisez-vous au quotidien pour préserver cette partie assez fragile de notre organisme ? 
- En dehors de toute prescription médicale, bannir les douches vaginales, même à l’eau, car cela ne fait que fragiliser la flore et multiplier les risques d’infections, telles que les mycoses, entre autres.
- L’idéal est de se laver au maximum deux fois par jour (matin et soir). Cette toilette consiste en un savonnage, suivi d’un rinçage et d’un séchage. Elle ne doit concerner que la zone génitale externe. La femme doit se familiariser avec ses odeurs naturelles, le culte de la fraîcheur absolue et du zéro odeur est l’origine de beaucoup d’excès !
- L’usage de produits antiseptiques et antibactériens n’est d’aucun intérêt et peut même favoriser les infections.
- Le sexe féminin n’apprécie pas l’humidité. Mieux vaut donc penser à bien se sécher après la toilette intime et à se changer après une baignade ou une séance de sport.
- Il ne faut pas se laver avec les gels- douches destinés au corps, à base de savon, de parfums et de colorants et conservateurs.
- Quant aux lingettes intimes, il ne faut pas en abuser car elles aussi peuvent fragiliser les muqueuses. Elles sont pratiques, certes, mais peuvent devenir agressives à la longue.
- Eviter au maximum de porter des pantalons serrés ou des collants car ils favorisent les microtraumatismes à cause du frottement et provoquent une macération à cause de la transpiration.
- Porter uniquement des sous-vêtements en coton, plus absorbants que les matières synthétiques. Changer de sous-vêtement tous les jours.
- Laver les sous-vêtements à une température minimale de 60° et séparément des autres vêtements. Ne pas rajouter d’eau de Javel à la lessive. Utiliser de préférence le savon de Marseille ou une lessive hypoallergénique.
- Ne pas laisser traîner les sous-vêtements par terre avant de les porter.
- Ne pas utiliser de parfums ni de déodorants même dits «spécifiques» dans la zone génitale externe.
- Même en période de règles, il est inutile de se laver après chaque passage aux toilettes. Il suffit juste de changer de tampons et serviettes hygiéniques le plus souvent possible. Et pour celles qui portent des protège-slips, ces derniers doivent aussi être changés régulièrement.
- Se laver toujours les mains avant de toucher la région ano-génitale.
- Ne jamais toucher la lunette des toilettes publiques. De même, ne jamais s’y assoir, poser un système de protection comme du papier toilette par exemple.
- Après avoir uriné, et en absence d’eau, s’essuyer avec un papier doux et propre en faisant un geste d’avant en arrière pour éviter au maximum de transporter des germes.
- En ce qui concerne l’épilation, se laver avant et changer de sous-vêtement. Utiliser une crème apaisante s’il le faut. 

Les femmes mariées doivent- elle avoir une toilette intime «profonde» ?
Effectivement, beaucoup de femmes mariées pratiquent la toilette vaginale, c’est-à-dire cette fameuse toilette profonde pratiquée avec une poire, une seringue ou tout simplement un jet d’eau. C’est vrai que dans le passé, ce genre de «désinfection» était conseillé, mais comme le progrès avance et les découvertes aussi, il est établi et prouvé qu’il est inutile, voire dangereux, d’avoir recours à ce type de pratique.
Comme nous l’avons vu plus haut, la muqueuse vaginale (donc interne) est tapissée de bonnes bactéries qui protègent la femme des infections. Des toilettes profondes, répétitives et utilisant des antiseptiques ou même tout simplement des savons vont détruire cette barrière naturelle et protectrice et exposer la femme à des infections à répétition. Ces infections vont engendrer des va-et-vient incessants de la femme chez le médecin, une gêne permanente et une dégradation de la vie intime à la longue ce qui peut avoir des conséquences graves lors d’une grossesse (accouchements prématurés, infections néo-natales, rupture prématurée des membranes…)
Donc, pour répondre à votre question, sauf avis médical, il n’y a pas de différence entre la toilette intime d’une femme mariée et de celle d’une jeune fille. Les deux doivent choisir le bon produit, éviter les excès et surtout ne pas pratiquer de toilette profonde.

Concernant l’hygiène intime et la grossesse…
Comme pour toutes les femmes, les douches vaginales sont à proscrire. Il faut préférer le coton aux matières synthétiques qui favorisent l’apparition de germes et de mycoses. Le port de protège-slips est également déconseillé pour les mêmes raisons.
Est-ce normal l’abondance des pertes vaginales chez la femme enceinte ?
La grossesse, effectivement, augmente les sécrétions vaginales. Celles-ci sont sans conséquences si elles sont blanchâtres et indolores. En revanche, si elles sont associées à des démangeaisons ou à des brûlures, il convient de consulter rapidement un médecin.

Après un accouchement avec une épisiotomie, les soins doivent être rigoureux pour permettre une guérison rapide… 
Afin que la cicatrisation soit rapide, une hygiène rigoureuse s’impose. Après chaque passage aux toilettes, il faut nettoyer et essuyer la cicatrice. Elle doit toujours rester propre et sèche. La plaie doit, donc, être séchée avec l’air froid d’un sèche-cheveux ou avec de l’éosine non alcoolisée. Si la cicatrice est douloureuse, une crème apaisante peut être prescrite.
Et à la ménopause…
Les règles à suivre sont les mêmes pour toutes. Mais la femme ménopausée doit y accorder une attention particulière car ses parties intimes sont fragilisées. Les douches vaginales ou les lavages répétés avec des savons agressifs (parfums, alcool) sont à proscrire. Le port de matières naturelles, telles que le coton, est préférable pour les sous-vêtements.
Une sécheresse vaginale s’installe chez plus de la moitié des femmes ménopausées. Souvent tabous, ces troubles doivent être pris en charge car ils peuvent perturber la vie du couple. Il ne faut pas laisser cette sécheresse s’installer, il faut en parler à son médecin ou à son gynécologue. Des traitements hormonaux ou locaux peuvent y remédier.

Les problèmes urinaires sont aussi fréquents à cette période, quelles sont les précautions à prendre pour les éviter ?
Après la ménopause, ces infections sont plus fréquentes car les muqueuses se défendent moins bien. Des précautions simples permettent de les éviter : s’essuyer d’avant en arrière aux toilettes, prévenir la constipation et bien sûr une bonne hygiène intime avec un produit adéquat.

Quels sont les troubles  qui doivent inquiéter une femme et la pousser à aller consulter un gynécologue ?
L’un de ces signes devrait alerter la femme et la pousser à consulter un gynécologue :
- Une irritation inhabituelle et persistante ;
- Des démangeaisons intenses ;
- Un excès de sécrétions avec changement de coloration des pertes ;
- Un changement d’odeur ou une mauvaise odeur malgré une hygiène adaptée ;
- Des douleurs inhabituelles lors des rapports intimes ;
- Des brûlures mictionnelles.
O. A. A.

Par : Ourida Ait Ali 

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