Dimanche matin : direction les services de la Casoral pour y retirer un certificat de non-affiliation pour un proche tenu de réactualiser, pour la quatrième année consécutive, son dossier LSP. Une simple petite halte, pensions-nous, sur le chemin du bureau, mais c’était sans compter avec une bureaucratie ayant atteint des seuils insoupconnés. Un agent de sécurité nous intercepte à l’entrée de guichets bondés. Il nous expliquera que pour le certificat de non-affiliation il faut s’adresser aux services de l’APC du lieu de résidence, qui eux-mêmes se chargeront des dépôt et retrait. Devant la foule dense qui s’agglutine sur les lieux nous ne pouvons qu’applaudir cette initiative. Sans perdre de temps, nous nous dirigeons vers l’APC. L’inévitable agent de sécurité, qui a remplacé le planton d’autrefois, nous indique le bureau en charge de cette délicate mission. Un minuscule bureau dans lequel "s’entassent" pas moins de huit agents. Quatre dames, chaises rapprochées nous font participer aux péripéties palpitantes de leurs soirées respectives, tout y passe la préparation du dîner, les frasques des enfants, la galère des époux... les éléments masculins quant à eux, qui se cure l’oreille, qui sirote son café "jetable", un autre est plongé dans la lecture captivante d’un document, le dernier adossé nonchalamment contre le mur parle au téléphone en évitant soigneusement nos regards. Stoïques nous ne faisons pas plus de bruit qu’une petite souris pour ne pas indisposer ces agents "très occupés". Au bout d’un long moment on nous demande si "l’on s’occupe de nous !"... On nous expliquera que pour le document demandé, il faut d’abord produire une résidence justifiant que le demandeur habite bien la localité et qu’ensuite il faudra patienter un minimum de... 2 mois. Qu’à cela ne tienne, nous voilà au service des résidences, là nous nous heurtons à un niet catégorique au vu de l’adresse portée sur la pièce d’identité du demandeur. Nous expliquons qu’entre-temps ce dernier - documents officiels à l’appui- s’est marié et que depuis il réside à cette adresse en attendant le fameux LSP. Rien n’y fait. Tant pis, comme tout bon Algérien qui se respecte nous passons au systhème "D". Nous avons tous dans nos relations le cousin d’un cousin qui connait le cousin de "X". Quelques coups de fil plus tard nous sommes en face du bon Samaritain, qui nous dira de revenir à partir de 13h pour récupérer ledit document. 13h01, de retour nous sommes impressionnés par le nombre de personnes, qui comme nous ont adopté le systhème "D". Les uns après les autres s’empressent d’empocher le précieux document. Nous, notre introduction n’étant pas suffisamment haut placée dans la hiérarchie des passe-droits, ce sera l’agent de sécurité qui sera chargé de nous expliquer que le demandeur serait affilié à un organisme domicilié... à Cherchell. Nous expliquons qu’il est au chômage depuis 2004, qu’il suffit d’une petite recherche de routine pour le prouver, d’autant que nous avons déjà retiré ce même document trois années de suite. Notre vis-à-vis, narquois, nous expliquera, d’un ton docte, que la fourberie de l’esprit humain dépasse tout entendement et que nous ne pouvons même pas imaginer ce que peuvent nous taire nos proches. Nous tentons, rêveurs, d’imaginer le parcours d’un esprit tordu ; attendre que tout le monde ait le dos tourné, enfiler ses basquettes, prendre sa trotinette pour se rendre à son lieu de travail "secret" situé dans une autre wilaya et être de retour le soir comme si de rien n’était, et ce avec un enfant en bas âge dans les bras. Vaincus nous allons reprendre des forces avant d’envisager le deuxième round. Moralité, pas de document et donc pas de logement...
Yamina Dounab