La ville de Tizi-Ouzou s’est parée, hier, de ses plus beaux atours pour être au rendez-vous de la dixième édition du Festival national du film amazigh. Au premier jour de cette activité, qui a drainé une nombreuse foule en dépit d’un climat peu clément, la maison de la culture a vécu des moments intenses et emprunts d’émotion.
Evoquer la mémoire d’un écrivain de la trempe de Mouloud Feraoun, qui a fait l’objet d’exclusion de la part des institutions officielles des années durant, est enfin en train d’être réhabilité. La présence de Zoubeida Mameria, représentante de la ministre de la Culture et le signe que Mouloud Feraoun n’est plus l’intellectuel maudit dont dont on ne parle que rarement et à contrecœur, juste par obligation. Au cours de la cérémonie d’ouverture du colloque à la maison de la culture Mouloud-Mammeri, la représentante du ministère de la Culture a qualifié l’auteur du Fils du pauvre "de brave au pays des braves". La représentante du ministère n’a pas hésité à parler d’une certaine critique qui avait jugé l’écrivain Mouloud Feraoun et son œuvre avec sévérité car, a déclaré l’oratrice, "pour nous, l’importance humaine de cette œuvre l’emporte de loin sur tout autre considération". L’oratrice a précisé que le mérite de Feraoun est, tout simplement, d’avoir fait s’épanouir l’idée de la Kabylie, une Kabylie vue de l’intérieur par l’un de ses plus fidèles fils. Zoubeida Mameria a indiqué que Feraoun a contribué de façon décisive à créer les conditions d’identification d’un peuple. C’est là, en effet, le principal mérite de Mouloud Feraoun qui consistait à révéler à la conscience générale, l’existence d’une entité humaine complètement ignorée par le reste du monde. Elle ajoutera que Mouloud Feraoun a modulé son œuvre sur son vécu, sur ses états d’âmes et sur son action qu’il a pensée juste et il fut ciblé par les nationalistes algériens pour ses amitiés, mais les évènements prouvèrent le contraire puisqu’il fût assassiné par des éléments de l’Organisation armée secrète. L’intervenante a qualifié cette mort de la fin tragique d’un homme généreux et prudent qui ne voulait faire de mal à personne, mais "était-ce possible dans un monde de haine et de violence?"
De son côté, Assad Si El Hachimi, commissaire du Festival national du film amazigh, a affirmé que le cinéma et la littérature sont deux pilliers qui soutiennent les ponts jetés vers l’ailleurs et donnent l’harmonie, "devise de notre festival qui se veut être école de tolérance et d’ouverture à l’autre". Le responsable du festival a ajouté qu’il coulait de source que la célébration de l’olivier, évoquant la paix, la réconciliation, la fidélité récompensée soit associé à Mouloud Feraoun, ce guide de la tolérance, cet homme-frontière qui au cœur de la complexité coloniale a tenté de créer ces lieux de médiation, aujourd’hui plus que jamais indispensables dans un monde mondialisé, où seule la marchandise tient lieu de foi. Le colloque s’est déroulé en présence de nombreux écrivains à l’image de Younes Adli et du fils du romancier, à savoir Ali Feraoun. Les conférences données par Denise Brahimi, Danièle Maouche et Malika Fatrima Boukhelous ont apporté un précieux éclairage et des visions certes différentes, mais complémentaires sur l’œuvre de Mouloud Feraoun et sa portée.
L. B.