Par une belle journée douce et ensoleillée de février, nous sommes partis à Tipasa à la recherche du temps passé. En venant d’Alger par la corniche, le visiteur est, en premier lieu, subjugué par le site du mont Chenoua, émergeant majestueusement de la Grande bleu. Le Chenoua, précédé de mamelons moins massifs, face à la Mare Nostrum, fait penser à un mastodonte avec ses petits enfants qui aurait pour mission de veiller sur Tipasa. Paisible et rassuré, le site coule alors des jours heureux. Les doux rayons de l’astre du jour levant effleurent ce patriarche à l’allure souveraine, lui donnant ainsi une couleur dorée.
Arrivé à destination, nous avons eu le privilège de remonter le temps et de voyager à travers l’Algérie antique, grâce à un merveilleux guide, en l’occurrence M. Abdelkader Bensalah, un archéologue qui a effectué des recherches sur ce site qui ne cesse de dévoiler ses mystères. Les ruines qu’on appelle romaines, selon l’expression consacrée, sont également numides, et c’est pourquoi il faudra forger, peut-être, le concept de romano-numide, à l’instar du gallo-romain. N’est-ce pas que c’est sous la dynastie des Sévères que l’empire romain a connu son apogée ?
Cela étant, et bercés par les mêmes vagues d’il y a 2000 ans, nous songeons à ce qu’ont connu nos ancêtres dans cet amphithéâtre, pas loin du forum, où l’on imagine la sortie des gladiateurs sous les cris de «Ave César morturi te salutant». Ces «gladiateurs», comme nous l’explique M. Bensalah, «assuraient le spectacle au péril de leur vie, spectacle tragique offert par César pour assurer la paix sociale (panem et circuces). Les ruines sont en partie bien conservées, pourvu qu’on y fasse diligence. Dans ce site majestueux, une vraie richesse florale s’offre à nous, dont M. Bensalah nous cite chaque nom de ces végétaux. Les fleurs de toutes couleurs sortent de leur sommeil hivernal pour renaître au monde et faire hymne à la vie. Leurs essences se répandent et flattent nos narines. Le chant mélodieux et sonore des oiseaux profitant de la clarté du jour nous réjouisse. Dans les ruines romano-numides, des oliviers, ces centenaires inébranlables aux feuillages persistants, leurs branches, sous la pression du vent marin, ont fini par se figer à l’horizontal et forment ainsi des voûtes procurant ombre et fraîcheur aux visiteurs extenués. Il faut croire que contrairement au chêne de la fable, l’olivier a plié mais n’a pas rompu. Sur le flan des falaises, une nuée de mouettes réunies forment un immense ensemble d’un blanc immaculé comme pour dispenser encore plus de pureté à cette nature. Spectacle à couper le souffle. L’œuvre de l’homme et la beauté de la nature font de Tipasa un merveilleux havre de paix où tout est à la fois amour, calme et volupté. Albert Camus avait sa place préférée dans ce site. Pour preuve la stèle qu’on lui a érigé au cœur de la nécropole occidentale de la cité et où est inscrite la célèbre phrase : «Je comprends ici ce qu’on appelle gloire, le droit d’aimer sans mesure». En parlant de «noces à Tipasa», il savait de quoi il parlai, mais de façon sublime. Sous ce décor fabuleux d’une douceur indicible, le bleu du ciel épouse celui de la mer, et où l’ocre des pierres et le vert des arbres apaisent le regard formant un charme à nul autre pareil. Bercé ainsi par les frissons de cette douce brise, mille douceurs secrètes nous caressent l’âme et nous charment d’émoi tant nos cœurs étaient ravis. Nos regards et nos esprits s’abandonnent à cette volupté et se perdent dans cet infini horizon que seul vient troubler l’incessant déferlement des vagues sur les rochers. Ces vagues venues de loin nous racontent un ailleurs apaisé auquel s’ajoute un décor féerique fait de joie et de sérénité. Ainsi, le Chenoua épouse la mer pour le meilleur et pour l’éternité.
O.A.A