Il faut aller jusqu’au Japon, fouiller dans son histoire contemporaine et ancienne pour apprécier la place que réserve l’Algérie aux «trésors vivants», c’est-à-dire aux citoyens du 3e âge, détenteurs de savoir ou de savoir-faire.

C’est à cette escapade dans l’espace et le temps que l’anthropologue, Aïssa Belmekki, a convié l’assistance du café littéraire l’Ile Lettrée, de la rue Zabana à Alger. La notion de trésors vivants ne renvoie pas au social, mais à un traitement ressortant plus à la culture qu’à une politique publique de prise en charge des personnes âgées. «Le statut de l’enfant, le statut de la femme, le statut du 3e âge sont des indices révélateurs quant à la qualité d’une civilisation ou d’une nation» affirme Aïssa Belmekki.
Le japon est si lointain, si différent et mystérieux et néanmoins plus proche de nous que nous le pensons. Pour Belmekki, bien que le Japon appartienne à la civilisation chinoise, à la race jaune adepte du signe et de l’idéogramme, il n’en demeure pas moins un pays imprégné de spiritualité comme le reste des contrées de l’Orient et, notamment, des pays musulmans.
La religion au Japon est dominée par des systèmes philosophiques ou de sagesse. Tout commence avec Lao Tseu qui crée le taôisme (la Voie) menant «vers la connaissance utile, celle de Dieu»; ensuite, vient l’influence de la Chine à travers Confucius «qui a mis sur pied une philosophie basée sur la morale, l’éthique, la vertu et pour lequel l’ordre de l’Etat vient des hommes d’Etat qui sont vertueux et pas le contraire». Selon Belmekki, «il n’y a pas plus dangereux que l’idéologie». «Voyez ce que l’idéologie a fait de la Corée, une idéologie qui a professé un seul pays, un seul peuple, une seule langue, une seule religion». «Aujourd’hui dit-il Pyongyang est une planète et Séoul une autre planète», et d’asséner : «l’idéologie vous fait oublier vos racines, votre origine ethnique et votre religion».
Le contraste avec l’Algérie peut être quantifié par l’énumération de nombreux traits. Mais ce que fait l’Algérie est le contraire de ce que fait le pays du Soleil Levant. L’un est un pays méditerranéen, l’autre de l’Asie orientale, l’Algérie a 2.380.000 km2 de superficie, à peu près 5 fois la France, 8 fois le Japon mais avec seulement 35 millions d’habitants. Le Japon possède 373.000 km2 répartis sur 4.000 cailloux, 4.000 îles éparpillées dans la mer, sa superficie totale est égale aux 2/3 de celle de la France, mais supporte 130 millions d’habitants. L’Algérie est un pays globalement peu peuplé, mais regorge de richesses naturelles : pétrole, gaz, or, fer, diamant alors que le Japon n’a rien. Mais celui-ci est la seconde puissance économique mondiale. Belmekki soutient que la réussite économique du Japon repose sur le fait que ce pays tient à son identité profonde en dépit de son ouverture sur l’Occident. Il n’aurait pas oublié d’intégrer au management entrepreneurial des éléments de la culture traditionnel.
Son organisation est «calquée sur le modèle pyramidal de la cellule familiale», ce qui nous rapproche déjà du 3e âge et de cette notion de trésors vivants. «Ce modèle pyramidal, soutient Belmekki, on le retrouve au bureau, à l’entreprise, et même au sein de l’Etat», avant d’ajouter que «c’est un modèle pyramidal dominé par le père, incontestablement le chef de la famille». Et de souligner : «Ce n’est pas du patriarcat, c’est une question de répartition de responsabilité dans cette cellule». L.G.