Ahmed Touil, poète originaire de Draâ Ben Khedda, vient d’éditer un recueil de poésie intitulé Igenni, i bu wafriwen, (le Ciel aux oiseaux). D’emblée, il annonce la couleur basant ses textes sur l’élément de défense et d’identification de l’Amazigh, l’Awal.
«Nekk d awal kan» (Je ne suis que parole) clame péremptoire cet auteur en reprenant à son compte les «dits» antérieurs de ses aînés. Ahmed Touil sublime l’Awal, une onde magique qui relie magistralement le passé au présent de Igenni, i bu wafriwen. Il n’y a aucun doute dans l’esprit de ce poète. Si tamazight est encore de nos jours un instrument de communication, elle est aussi un repère qui a fait que cette langue ne meurt pas malgré les vicissitudes séculaires.
La question reste posée : «Pourquoi tamazight n’est-elle pas morte compte tenu des avatars de l’histoire de l’Afrique du Nord ?» «Je suis parole de Si Muhend qui ne connaît pas de fin/Je suis parole et j’ignore la fatigue/Je brûle dans tout feu comme un tison/Les malheureux se réchauffent à mon feu/Je ne suis que parole», page 22. Elle est incroyable cette ténacité d’Ahmed Touil à s’accrocher à la parole, comme un naufragé à son esquif. Comme si l’avenir de tamazight ne dépend que de l’Awal ! Et si cela était vrai ? La pratique quotidienne d’une langue n’est-elle pas un gage de survivance aux langues actuellement dominantes ?
Ce poète, lui, le croit dur comme fer. Il n’y a pas au sein de ce recueil que cette seule thématique. Puisqu’Ahmed Touil investit aussi cette recherche sur ceux, les aînés, connus ou pas, qui ont porté la recherche, vaille que vaille, malgré les embûches et les conditions de l’époque. Bien sûr, il y a toujours un respect qui leur est dû et un besoin à l’affirmer afin que leurs efforts ne soient pas vains. Repose en paix Mohia !
«La montagne répond aux appels/Dda Lmulud s’avance vers nous/Du désert il a porté le nuage (tagut)/En disant : Je sais, l’Amazigh a soif…», Page 11. A la manière de nombreux poètes de Kabylie, Ahmed Touil ne fait pas dans l’originalité. Ils savent tous ce que Mouloud Mammeri, surtout, a fait pour Tamazgha avec sa grammaire (Tajerrumt), ses recherches sur le patrimoine oral («Cheikh Mohand a dit…», «L’Ahellil du Gourara», «Poèmes kabyles anciens», etc.) et ses romans d’une densité poétique certaine, notamment «La colline oubliée». Ainsi, la reconnaissance s’établit au-delà de la mort. Plus encore, c’est la filiation qui s’établit. Ahmed Touil a foi en l’avenir de son pays. Il sait que le meilleur est pour demain. Il sait que tamazight, maintenant enseignée dans nos écoles, est une réalité. Comme il sait que l’identité algérienne est bien assise désormais sur son cryptique. Là voilà sa raison : «Le jour, c’est lui que j’aperçois/Il ne change pas même si les années passent/De la nuit a surgi le soleil de l’Amazigh/Il réveille Tamazgha engourdie…». I. L.