Le village Redjaouna est visible de loin et des quatre points cardinaux. A près de sept cents mètres d’altitude, ce village domine la capitale kabyle, Tizi-Ouzou. Si les autres villages de la région, plus d’un millier, en appellent d’autres du bout de la route, Redjaouna a le privilège de s’étendre fièrement le long de la crête du piedmont Belloua.
Sidi Belloua est aussi le saint patron de la région qui reçoit, chaque fin de semaine, lors d’une cérémonie d’incantations et autres prières, des visiteurs de partout. Chacun porteur d’un vœu à exaucer. Qui pour un mariage, qui pour remercier le Seigneur de Son aide quotidienne, qui pour trouver un boulot. Si je cite ce lieu de prières, c’est parce que Redjaouna s’étire harmonieusement des deux côtés du village. Ici, Redjaouna Techt, là, Redjaouna Lbor. Pris par l’altitude et par la vue aérienne que l’on a sur Tizi et la vallée du Sébaou, on n’a pas eu la présence d’esprit de demander la signification du toponyme. A moins qu’on ne l’ait fait exprès, de sorte à laisser le mystère entourer ce nom de village. Pourquoi donc vouloir expliquer tout dans la vie ? D’autant qu’au cours de cette petite randonnée, on n’en a retiré que le bonheur d’être près du ciel. Entre Techt et Lbor règne, sans partage, Sidi Belloua. On ne peut ignorer , non plus,l’importance de ce lieu. Il surplombe Tizi et rayonne sur cette ville de jour et de nuit, en toute saison. Nous l’implorons à chaque fois que le cœur est oppressé. Il n’y a pas de mal à cela, on le fait souvent. Du reste, Redjouana a été bâti accollé au Saint, comme pour se prémunir de tout danger. L’hôte qui nous a reçu nous explique, gentiment, que la soldatesque française voulait construire une caserne à cet endroit, par stratégie. Le pouvoir du lieu les a fait renoncer, car au moment de couper un des oliviers séculaires, l’officier français s’est renversé avec sa jeep et mourra. C’est du moins ce que les gens ont interprété… Encore une fois, laissons la magie opérer.
Une seule route, pas très agréable pour les amortisseurs d’une voiture ni pour les lombaires du chauffeur, mène à Redjaouna qui ne débouche sur aucune sortie de l’autre côté. C’est l’une des originalités de ce village qui forme le dernier maillon de la grande guirlande villageoise de Kabylie. De part et d’autre de cette route, incroyable comme la route est un élément vital pour la Kabylie, des constructions ont été bâties, notamment vers le nord, qui défie la logique architecturale. De cette fenêtre, le visiteur a une vue plongeante sur Stita et les autres villages qui dégringolent jusqu’à la mer.
Depuis quelques années, ce village a pris des proportions urbanistiques incroyables. Redjaouna n’est pas de faire jonction avec la haute ville tizi-ouzienne, Zellal, Tazougart, Bordj Lahmar… Oui, de superbes constructions poussent comme des champignons dans cette vaste oliveraie de redjaouna. Néanmoins, Redjaouna reste un village charmant, accueillant et ouvert. Puisque tous convergent vers Sidi Belloua pour affirmer leurs rêves et leurs espérances. Un jeune nous interpella pour nous poser la question suivante : «Un téléphérique serait d’un apport touristique certain, non?» Nous rappelant le bouchon devant l’entrée même du «Sanatorium», on s’est dit : «Par Dieu, il a raison». Chiche !