Elle s’appelle Anne Conti, elle a débarqué lundi soir à Alger, avec, dans ses bagages, près de vingt ans de scène et aussi un nouveau concept théâtral. Elle était avec sa bande sur les planches du Centre culturel français, pour jouer "Stabat mater furios", une tragédie de Jean Pierre Siméon. Un texte débordant de haine, d’amertume et de rancune. Le Stabat mater étant, à la base, un chant moyenâgeux évoquant les souffrances de la vierge Marie et la crucifixion de son fils. Une fois les pages de Siméon déclamées, ce chant deviendra une prière profane ressortant au deuil qui vient régler son compte à l’homme de guerre.
A travers ce texte, l’auteur souhaitait donner la parole à la femme pour qu’on puisse l’entendre s’exprimer sur la guerre des paroles qui dépasse la simple anecdote. C’est un texte qui libère le regard sur soi de la fille, de la sœur, et de la femme, dans ce milieu dominé par des hommes qui se font la guerre et ce, depuis la nuits des temps. Toutes ces émotions sont galvanisées grâce à un poème si captivant et imagé que le spectateur a l’impression de voir ces scènes narrées. Et cela, sans compter sur la mise en scène très anticonformiste d’Anne Conti et de Patricia Pekmezian qui en a rendu plaisante la lecture. Anne, une jolie boule d’énergie qui cumule la mise en scène, la conception, l’adaptation, et l’interprétation depuis de longues années, a tenu une sorte de théâtre sur fond musical, un spectacle fort agréable qui garde de grandes distances avec la comédie musicale qui est un tout autre genre et qui se rapproche intimement du quatrième art.
Anne Conti était à ses cotés, Stéphane Zuliani, à la percussion et Vincent Le Noan, aux cordes (violoncelle, contrebasse, et guitare). Ce fabuleux trio a créé des espaces scéniques ouverts aux mots, à la musique, au chant, et au silence. De petites séquences sonores qui sautent de la tragédie pure au rock puis qui se calme en murmure pour mourir en silence et mieux surprendre et accrocher par la suite.
C’est dans cette atmosphère époustouflante qu’on a déclamé par le chant, le cri et les larmes la prière, à la limite de la tristesse, de la jeune fille maintenant devenue femme et qui a tenu à transmettre à l’assistance, la souffrance de la guerre et son aversion à l’endroit du guerrier.
Les spectateurs ont été subjugués par l’énergie qui s’y est dégagée, et impressionnés par le jeu et la voix de l’actrice dont l’intonation se rapproche réellement du silence. On sent un flux constant d’émotions dans la salle qui nous envahit. Les gens qui ont tenu à y assister ont ovationné dans la communion le théâtre selon Conti et Siméon, qui auront gagné leur pari à Alger aussi.