Parmi les bonnes surprises de la 14e édition du Salon international du livre d’Alger figurent des travaux modestes mais consistants. L’ouvrage que Saïd Senouci, qui s’est aventuré loin de sa carrière d’administrateur pour mettre ses pas dans ceux de son père, le regretté Senouci Hadj Tayeb, descendant d’une famille maraboutique de Tighennif, fait incontestablement partie de ceux-là. Pourtant la maison d’édition Dar El Gharb aurait gagné à être plus scrupuleuse quant à la correction de l’écrit.
L’ouvrage est en effet entaché d’innombrables fautes d’orthographe et autres coquilles inexcusables. Au point où le lecteur doit constamment faire une gymnastique sémantique pour comprendre le propos de l’auteur qui, nous en sommes certains est loin d’être le responsable de ces erreurs grossières. Avec pour point de départ un dialogue fictif avec l’auteur de ses jours, le livre de M. Senouci est une étude de l’expérience de "faquir" aujourd’hui, des grands problèmes contemporains qui se posent à la pensée humaine et une réflexion philosophique sur le devenir de l’humanité. Ecrit à l’occasion du centenaire du cheikh El Alawi , il aborde en dernière partie la vie de groupe et le rôle stabilisateur de la zawiya ainsi que le voyage intérieur du faquir. Au chapitre V de l’ouvrage qui en compte 7, sont détaillés les rituels de la zawiya ancestrale. Le dhikr, la khalwa, la béatitude et la hadra y figurent en bonne place. «La lecture de cet ouvrage permet d’être à la fois dans l’ambiance sereine de la pensée soufi et dans le tourbillon du monde d’aujourd’hui. L’auteur évite ainsi d’entraîner le lecteur dans l’abstraction absolue en le ramenant à chaque fois à la réalité connue ou inconnue qui l’entoure. C’est ce qui fait l’intérêt autant que le charme de ce livre», écrit en préface Mohamed N.Mahieddin, juriste de l’université d’Oran. M. Alphonse Georger, évêque d’Oran souligne quant à lui « le désir de vivre dans une profonde communion avec Dieu est le propre de tous les croyants monothéistes. Ils croient que le créateur de l’univers est aussi tout proche de l’homme au cœur de son existence. Ils en ont fait l’expérience. » C’est précisément cette expérimentation concrète de la proximité divine qui conduit au sentiment de conviction plus qu’ intime, eel-yaquine , qui découle des chemins tracés par les premiers foquarras. «Tous les maîtres affirment que le Trésor spirituel est une découverte solitaire. Alors pourquoi sommes-nous ensemble ?" demande un disciple à son maître. "Vous êtes ensemble parce que la forêt est toujours plus forte qu’un arbre isolé", répondit celui-ci. La forêt conserve l’humidité, résiste mieux à l’ouragan et contribue à la fertilité du sol. Mais ce qui fait la force de l’arbre, c’est sa racine. Et la racine d’une plante ne peut pas aider une autre plante à pousser. "Être ensemble dans un but commun et permettre que chacun se développe à sa manière, voilà le chemin de ceux qui désirent communiquer avec Dieu » cite l’auteur dans son introduction. Il ne manque pas dans la même introduction de mettre en exergue les limites de la science quand elle n’est accompagnée ni de conscience ni d’âme. «Ceux qui sont des océans de sciences et d’érudition et que leurs perfections ont rendu des lumières pour les contemporains, n’ont pas fait un pas dehors de cette nuit sombre ; ils ont conté une fable et sont allés dormir», écrivait Khayyam, l’un des plus brillants poètes et mathématiciens de l’histoire. En ouvrant des pistes de réflexion à travers les chemins touffus des réalités contemporaines, Saïd Senouci, transmet le legs paternel de la manière la plus moderne et donc la plus fidèle qui soit. Le père disait à son fils : « La clairvoyance et la sagesse permettent au faquir d’avoir une conduite qui allie modération et connaissance. » Une combinaison gagnante pour les chemins de l’avenir.