Il est peut être donné à tout le monde d’être poète, mais il n’est pas donné à tout le monde de résister dans l’adversité, surtout lorsque l’élan d’espoir est effrontément freiné par l’incompréhension et l’absence de communication. Si un jour le poète devait façonner le monde, il commencera certainement par donner la parole à tout un chacun, avant de s’en servir lui-même. Il aura, de ce fait, préféré écouter les autres, pour mieux cerner et comprendre leurs préoccupations.
Afin de dire à son tour juste ce qu’il faut, il lui faudrait donc être ce miroir reflétant une réalité pour laquelle d’aucuns n’osent se prononcer. Chérif Yefsah fait partie justement de cette lignée de poètes qui n’acceptent point de compromis, lorsqu’il s’agit de défendre un idéal. Le poète est à la fois cet être fort et fragile, car il ressuscite le sourire et incarne l’espoir, sans jamais caresser le rêve lénifiant d’une vie sereine qui pourtant fait partie de ses fantasmes au quotidien. Faire contre mauvaise fortune bon cœur a toujours été le principe de ces poètes forgés dans le granit de ces montagnes abruptes qui, même si elles vous ont vu naître, ne vous accordent aucun répit dans votre combat contre l’inconnu, que vous savez perdu d’avance. Il est des destinées, justement, qui font que l’être investisse l’aventure de l’écriture sans tergiverser, comme si cela était le fait du destin. L’âge, ici, ne compte point. Dès lors, il suffit que la messe s’y mêle pour que la plume se mette à décrypter le monde du dedans et celui du dehors. Natif de Tala Amara, Chérif Yefsah – comme prédestiné par son prénom – s’est mis à taquiner sa muse – seule compagne évidente – pour dire la solitude de l’être et la faillite d’un substrat social. En lisant ses tentatives poétiques, on y découvre comme une absence d’adéquation entre ses aspirations, ses rêves, ses besoins et la proportion extérieure à pouvoir les réaliser. C’est de cette impossible rencontre que le poète, Chérif Yefsah – à la plume émouvante – vise encore plus loin, plus haut et plus compliqué, c’est-à-dire l’inaccessible bonheur poétique. Bien sûr, la quête est titanesque. Comment peut-il en être autrement, du moment que le cœur ne bat pas la mesure extérieure au poète ? Chérif Yefsah s’y retrouve totalement même si l’amertume conclut le lendemain du poème.
Il n’en demeure pas moins que le temps d’un poème, Chérif Yefsah arrive à frôler l’inaccessible, le bonheur d’être, tout simplement !