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Edition du 28 Octobre 2009



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Hayat abdeslam au midi libre :
"Cet art est enseigné officiellement depuis 1882"
28 Octobre 2009

Les origines du tapis d’art berbère remontent à l’ère paléolithique. Depuis des siècles, les tapis sont fabriqués selon les mêmes traditions, sur les mêmes métiers à tisser. Les différents modèles et ornements ont tous une origine symbolique en rapport avec la religion, les croyances et les langues. Ils se transmettent à travers les générations de mères en filles. Toutes sont des pièces uniques fabriquées à la main dans les plus pures traditions. Quelques explications avec madame Hayat Abdeslam présidente du premier festival de la fête du tapis en 1989 et qui contribue toujours à la pérennité de cet art ancestrale légué par nos aïeules

Midi Libre : Comment expliquez-vous cette pérennité et cet amour du travail de la laine chez la femme kabyle ?
La femme a non seulement joué un rôle prépondérant dans la pérennité de notre culture mais elle en a été la créatrice. Si la culture des autres peuples a été écrite et décrite dans les livres. La nôtre à nous les berbères, des pans entiers de notre histoire ont été fixés dans les chants, la poésie, les contes, les motifs du tapis, les bijoux et la poterie. La femme kabyle a toujours été la gardienne et l’héritière des traditions. Les traditions de cette culture à laquelle elle s’y attache jalousement représente sa vie et sa richesse mais également l’expression d’une identité bien ancrée. Parmi ces héritages ancestraux nous avons le tissage et la symbolique dont il est le sujet aujourd’hui. Le tissage chez la femme kabyle remonte à la nuit des temps les plus reculés. Elle en avait besoin pour se vêtir, se couvrir. Il représentait également une source de revenue pour ces populations de haute Kabylie qui vivaient des récoltes très limitées et insuffisantes vu la pauvreté de la région du fait de son relief.
La femme berbère a joué un très grand rôle en étant un acteur dynamique en permettant à toute une région de se développer à travers cette activité artisanale. Les femmes sont initiées très jeunes au tissage.

Que représente cette activité ?
Cette activité représente un moyen d’expression libre, où l’esprit de la femme des objets, des scènes, en faisant appel à son imagination. Cette activité constitue un décor d’une valeur incontestable. Les travaux féminins attestent que les siècles n’ont ni affecté ni réussi à effacer le décor ancestrale berbère.

L’école de tissage des Aït hichem a été la première dans l’histoire de l’Algérie à ouvrir ses portes pour enseigner cet art. Comment s’est-elle développée ?
L’école d’Ait hichem à travers le territoire algérien fut créée aux environ de 1882, l’une des premières, composé d’une classe pour les garçons uniquement.

Pourquoi donc uniquement les garçons, et pour les femmes alors ?
Révoltées par cette discrimination, les filles réclament aussi l’instruction. alors pour donner l’exemple, Moh At Abeslam fut le premier à envoyer ses cinq filles dans cette école dont l’une d’elle fut institutrice à partir de 1889 pour l’enseignement général. A cette époque l’attention des pouvoirs public se porta sur l’industrie familiale. ils virent alors un intérêt économique dans l’art populaire et c’est ainsi qu’ils introduisent l’enseignement du tissage dans les écoles et l’enseignement général fut remplacé par l’enseignement technique à partir de 1892 à Ait Hichem.

Depuis, est-ce que d’autres écoles de même type ont vu le jour ?
Oui, d’autres écoles se sont succédé à travers le territoire national :
- Au Sud du pays en 1895 
- A Alger en 1896 
- Au M’zab en 1898 
- Constantine en 1897 
- A Oran en 1900.
Plusieurs ateliers de dessin et de teinturs également ont vu le jour et des instituteure et institutrice ses sont succédé.
Les pouvoirs publics de l’époque ont entrepris les mêmes techniques de tissage, de teinture et de décor. Des tisseuses opéraient à domicile et dans les établissements. C’est ainsi que madame Malater Abdeslam, institutrice recoupait les étoffes ornées chez les femmes afin de reproduire les dessins et les enrichir avec l’aide de ses élèves.
AIhitoussen, village distant de 30 km d’Ait Hichem Thitem Ihitoussene a trouvé un lambeau d’étoffe orné qu’elle rapporta chez elle et non seulement elle produit le dessin mais elle en créa d’autres le motif porte son nom» BeniDjer.

Quels sont les motifs qui servent à décorer les tapis berbères ?
Ce sont les lignes droites, parallèles, obliques, en dents de scie, des parallélogrammes, les l’hexagones, l’octogones. Toute cette géométrie, délicatement et rigoureusement ordonnée dans sa composition représente une richesse de figures.

Peut-on retrouver dans d’autres cultures les mêmes motifs ?
C’est un art originel, il est impossible, même de nos jours, de retrouver ces motifs géométriques ailleurs. Nous pouvons dire que l’art berbère a un cachet propre qui le distingue des autres que même les profanes reconnaîtront.

Que représente la symbolique de ces motifs aujourd’hui ?
De nos jours les thèmes qui les désignent naissent le plus souvent d’un rapprochement d’image :
- Œil de perdrix
- Broche 
- Nid d’abeille 
- Collier 
- Beni djer 
- Tizoulag 
- Dos de serpents.

Quel est le mot de la fin ?
Le développement du machinisme devait amener une révolution économique sociale et morale. Dans l’euphorie du progrès, l’activité familiale a dû faire place à la manufacture puis à l’usine et ce qui par ses qualités de finesse, de goût, d’originalité devait assurer la pérennité de l’art populaires elle fut sacrifiée sans remords. Les arts et les traditions furent gangrénés petit à petit. La loi de la machine était une loi égalitaire (tout au moins semblait-elle l’être) une loi de nivellement d’uniformité. Elle aboutit à l’article « standard » d’où le génie de l’homme s’efface. Pour cela les pouvoirs publics sont interpellés pour le maintient et la sauvegarde de notre patrimoine ancestral si indispensable à notre identité.

Par : Ourida Ait Ali

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