Le Midi Libre - Culture - Un si profond malheur
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Edition du 1 Octobre 2009



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Le drnier film London River de rachid Bouchareb à la salle Mougar
Un si profond malheur
1 Octobre 2009

Très émouvant, le dernier film de Rachid Bouchareb, tourné en Angleterre, expose l’universalité d’une tragédie qui touche le monde entier sans discrimination d’origine ni de religion. Celle des attentats islamistes qui, depuis une décennie, frappe partout et simultanément après avoir durablement endeuillé l’Algérie. Sorti le 23 septembre, le film est programmé quatre fois par jour à la salle Mouggar.

Sans travail particulier sur le style, ce film de 88 minutes en dit long sur la solidarité que crée le malheur partagé. Lorsque le 7 juillet 2005, 56 personnes succombent à quatre attentats simultanés qui ont lieu au cœur même de la capitale britannique, la caméra de Bouchareb s’intéresse à deux personnes touchées de près. Deux personnes séparées par des tonnes de préjugés et des kilomètres de mesquineries et d’idées préconçues. Mrs Elizabeth Sommer (Brenda Blethyn), paisible fermière du Guernesey,bichonne ses salades et ses ânes tout en partageant son affection entre le souvenir d’un mari mort lors de la guerre des Malouines et Jane, sa fille unique, étudiante à Londres depuis deux ans. C’est dans cette retraite au bord de la mer et en pleine nature ensoleillée que la télévision lui assène l’insoutenable. Elle se rue alors sur le téléphone pour avoir des nouvelles de sa fille mais seul le répondeur répète en boucle son message enregistré. Saisie d’une angoisse ingérable, l’agricultrice prend alors le ferry pour rejoindre son enfant. Dépaysée, elle découvre avec stupéfaction que Jane vit dans un quartier cosmopolite, «grouillant de musulmans». Le propriétaire de l’appartement occupé par l’étudiante est lui-même un étranger. Il lui offre gentiment de lui confier la clef des lieux en l’absence de la jeune fille qui reste introuvable. Jour après jour, Elizabeth se met à la recherche de sa fille, comme des centaines d’autres familles. Commissariats, puis hôpitaux y passent. Elle finit par accrocher un avis de recherche dans tous les coins de Londres. La jeune fille est alors reconnue par M. Ousmane (Sotigui Kouyate), un ressortissant africain vivant en France et qui vient de débarquer à Londres à la recherche de son fils Ali, disparu après les attentats. Le garde forestier a en effet une photo où la jeune fille figure aux côtés de son fils durant les cours d’arabe dispensés par la mosquée. Ayant contacté Mme Sommers afin de l’aider, il déclenche une incompréhension suivie d’une hargne irrépressible. Au lieu de le remercier, la mère de famille le fait interpeller par la police londonienne. La paisible protestante qui chante des cantiques à la gloire du seigneur tous les dimanches voue une haine irréfléchie au musulman noir à la silhouette longiligne et à la coiffure rasta. Mais à force de le rencontrer dans ces mêmes tristes lieux, où les familles recherchent leurs proches disparus, elle commence à fléchir à défaut de réfléchir. Lorsqu’elle découvre en fouillant les vêtements de sa fille que Ali, le fils de l’énergumène qu’elle fuit est le petit ami de Jane et partage son toit, elle finit par adresser des excuses au pauvre Africain en vadrouille. Lorsque M. Ousmane à cours d’argent doit quitter l’hôtel qu’il occupe, c’est de bon cœur qu’elle lui propose de partager le studio de sa fille. L’angoisse rapproche ces deux êtres artificiellement séparés par les préjugés épidermiques de la dame mûre. Lorsque qu’ils apprennent que leurs deux enfants ont disparu, complètement déchiquetés dans un bus, toutes les fausses distances disparaissent. Seul reste le désespoir et l’incompréhension face à une idéologie meurtrière qui n’épargne personne. Convaincants, Brenda Blethyn et Sotigui Kouyate se donnent la réplique avec beaucoup de finesse. Le moment où l’Anglaise se demande avec un ahurissement méprisant qui donc parle arabe, du moment qu’elle ne le fait pas, est un monument de xénophobie eurocentriste. La douceur et la dignité douloureuse du vieil africain planant sur les rues de Londres imprègnent le film d’un bout à l’autre. Sotigui Kouyate a été sacré meilleur acteur au festival de Berlin pour cette interprétation. Né en 1953, Rachid Bouchareb, réalisateur, scénariste et producteur a une riche filmographie. En 1995, Poussières de Vie est nommé pour l’Oscar du meilleur film étranger. En 2001, Little Senegal est nommé pour l’Ours d’or de Berlin. Son grand succès a été celui d’Indigènes en 2006, nommé pour la Palme d’Or et qui a reçu le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes. En avril 2007, il est nommé Chevalier de la Légion d’honneur.

Par : Karimène Toubbiya

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