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Edition du 16 Octobre 2008



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Adonis, poète libanais à Alger
Un dieu de l’esthétique et de la résistance
16 Octobre 2008

Adonis, le dieu (phénicien, puis grec, puis romain) dont a pris le nom Ali Ahmed Saïd Esber, du village nord-syrien de Qassabine, à l’âge de 19 ans, ce dieu de la perfection esthétique, se battait contre des créatures monstrueuses et des sangliers sauvages. Son homonyme arabe en fait de même. Contre les monstruosités version contemporaine…

En Algérie pour la première fois, en réponse à une invitation de la BN, le poète a offert une soirée poétique mardi, précédée la veille par un ardent plaidoyer appelant à résister à la pensée totalitaire qui tente d’étouffer toute vie de l’esprit dans les sociétés arabes contemporaines. Dénonçant la compromission des intellectuels arabes qui ont appuyé des systèmes mortifères sans les combattre, il appelle à s’affirmer au contraire par le refus, défini comme une  résistance radicale et globale aux systèmes existants. Ainsi déplore t-il le fait que sur 1,3 milliard de musulmans, nul penseur n’ait réclamé une lecture nouvelle des textes sacrés. Il a souligné qu’en Europe, « la critique a ravivé le christianisme, alors que l’Eglise l’a tué.» Faisant la différence entre la religion, conviction individuelle, et l’idéologie, poursuivant un projet politique et social, le poète s’élève contre la théocratie. Ses propos, ses réflexions, ses critiques, ses analyses dérangent profondément les tenants de la stagnation et de la décadence. «Le sang d’Adonis en fleurs sera changé», s’exclamait Vénus en découvrant le héros mythique mort dans les bois. Pour l’actuel Adonis, c’est la poésie qui est incontestablement le lieu de floraison de son verbe prodigieux.
Auteur d’une importante œuvre poétique et philosophique et également de nombreuses traductions, Adonis, qui vient de publier au Liban, où il vit, un recueil de poèmes, « Un papetier vend des livres d’astres » a été régulièrement pressenti pour le Nobel de littérature dès 1988.
Ses recueils de poèmes sont ,de 1954 à 1990 : La terre a dit, Premiers poèmes, Feuilles dans le vent, Chants de Mihyar, le Damascène, Mémoire du vent, Tombeau pour New York,
Singulier, Les résonances, les Origines, Ismaël, Kitab al-Hisar (Le Livre du siège), Célébrations et Le Temps des villes.
Ses essais sont, de 1964 à 2007: Le Diwan de la poésie arabe (3 volumes), Essais critiques, Le théatre et les miroirs, Le temps de la poésie, Le fixe et le mouvant (3 volumes), thèse d’ état, Préface pour les fins de siècles, Politique de la pensée, La Prière et l’Épée : essai sur la culture arabe et Le livre (al-Kitâb) .
Né le 1er janvier 1930 à Qassabine près de Lattaquié, Ali Ahmed Saïd Esber se consacre tôt à la poésie sur les conseils d’un père lettré. A dix-sept ans, déclamant ses poèmes, il éblouit l’assistance et capte l’attention du président de la République syrienne Choukri al-Kouwatli en visite dans sa région. Il obtient alors une bourse et étudie à la mission française de Tartous puis à Lattaquié. Il prend le pseudonyme d’Adonis en 1949, pour signer ses poèmes. Il quitte l’Université de Damas avec un diplôme de philosophie. Il est le fondateur d’un mouvement poétique basé sur la totale liberté d’expression et l’universalisme. En 1962 il prend la nationalité libanaise. Sa revue Mawaqif fondée en 1968 est interdite dans le monde dit arabe dès sa création. Il y traduit en arabe Baudelaire, Henri Michaux, Saint-John Perse et en français Aboul Ala El-Maari.
Autodidacte et iconoclaste, Adonis s’exprime ainsi sur le fait d’être bilingue: «Quand il écrit dans sa langue maternelle, le poète ne perçoit pas son moi qui, lui, demeure impalpable comme l’air, dans ses mots, ses images, ses symboles, ses signes et intersignes. Aucune distance entre lui et son langage. » par contre : «L’autre dévoile son moi au poète, et la langue étrangère illumine la langue originelle. Le poète fait l’expérience de son identité en faisant l’expérience de son altérité.» Concernant la poésie, il écrit : «La poésie rend la vie sur Terre plus belle, moins éphémère et moins misérable. La guerre, lutte collective, relève de l’esprit de troupeau et fait régresser l’homme vers la barbarie et l’inhumanité.» «Mes désirs/ C’est de rester l’étranger rebelle/ Et d’affranchir les mots de l’esclavage des mots», écrit encore celui qui dans sa quête de liberté est considéré comme «un apostat de la pensée unique» et un «poète sacrilège». K.T.

Par : Karimène Toubbiya

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