Le Midi Libre - Magazine - Se faire une beauté pour oublier la laideur de la guerre
Logo midi libre
Edition du 2 Septembre 2008



Le Mi-Dit

Caricature Sidou


Archives Archives

Contactez-nous Contacts




La chirurgie plastique en Irak
Se faire une beauté pour oublier la laideur de la guerre
2 Septembre 2008

La clientèle du docteur Haïdar a récemment changé: il y a un an encore, il opérait des Irakiens défigurés par les bombes. Aujourd’hui ses clients cherchent à se faire une beauté. Ce chirurgien esthétique de Bagdad, qui refuse de donner son nom à cause de la vague d’assassinats qui a frappé l’ordre des médecins, a consacré ses cinq dernières années à redonner espoir à ceux qui avaient été frappés dans leur chair. «Je ne peux pas oublier cette fillette venue se faire opérer à l’été 2005 car elle avait la moitié du visage et du cou brûlés par un mortier tombé sur sa maison», confie le praticien de 41 ans. Le travail était éprouvant mais il avait le sentiment que la chirurgie réparatrice s’apparentait plus à la médecine que refaire un nez ou redessiner une poitrine. «C’est très étrange de recevoir chaque jour deux types de clients: les premiers viennent se faire opérer pour réparer ce que les hommes leur ont faits et les autres pour réparer ce que la nature a oublié de faire», explique-t-il. «A mon avis, la personne qui souhaite subir une intervention pour avoir une belle plastique n’a en réalité pas besoin d’une chirurgie esthétique mais d’un psychiatre pour lui donner confiance en soi et s’accepter telle qu’elle est», assène-t-il. Dans ce pays conservateur, ce point de vue est largement admis et les religieux musulmans, quand ils ne condamnent pas purement et simplement la chirurgie esthétique, considèrent qu’elle doit respecter la loi islamique. Selon eux, les médecins masculins ne doivent pas porter leur regard sur l’anatomie féminine, comme les seins, le ventre et les jambes. Ce qui est plutôt compliqué quand il s’agit d’effectuer une liposuccion ou reconstruire une poitrine. L’engouement pour la chirurgie plastique en Irak coïncide avec une amélioration de la sécurité mais aussi avec un retour du puritanisme religieux. Depuis la chute de l’ancien régime qui prônait une certaine laïcité, la mode vestimentaire féminine consiste à se couvrir le plus possible. Mais comme beaucoup de médecins en Irak, le Dr Haïdar considère que la chirurgie esthétique doit être régie par le serment d’Hippocrate plutôt que par des édits religieux. «C’est mon travail d’aider les gens et de leur donner confiance. Si je n’arrive pas par les mots, alors j’opère», dit-il. Pour son confrère Tarek al-Hamdani, c’est le désir du patient qui doit être primordial tant que cela reste dans les limites raisonnables. «Parfois, quand j’estime que l’opération n’est pas nécessaire comme par exemple le gonflement des lèvres, je ne le fais pas», ajoute ce médecin qui affirme que 75% de sa clientèle sont des femmes. En tout cas, Nadia Kazem, une mère de deux enfants âgée de 45 ans, n’a pas hésité à débourser 1.900 dollars pour une liposuccion du ventre et des fesses «afin de ressembler à Beyoncé» Knowles, une célèbre chanteuse américaine. «Je l’ai fait pour me faire plaisir et avoir confiance en moi. Je veux garder ma jeunesse pour être heureuse», explique-t-elle. Cependant, sous la pression des groupes intégristes, les femmes font attention en public. «Je sais que certains hommes de religion peuvent être contre la chirurgie esthétique mais je ne pense pas que ce soit un péché de subir une opération pour se débarrasser de quelque chose qui vous gêne vraiment», estime Roula Hamid, une étudiante qui vient de se faire refaire le nez. Les femmes ne sont pas les seules à fréquenter ces cabinets médicaux. Moustafa Abbas, un ingénieur informatique de 27 ans encore célibataire, vient ainsi de subir une rhinoplastie pour être plus séduisant. «Dans ce climat de violences, j’ai voulu passer sur la table d’opération pour commencer une nouvelle vie, rencontrer une fille, me marier et je pense que j’ai désormais l’opportunité», assure Abbas.


L'édition du jour
en PDF
Le Journal en PDF
Archives PDF

El Djadel en PDF
El-Djadel en PDF

Copyright © 2007 Midilibre. All rights reserved.Archives
Conception et réalisation Alstel